Je vais au congrès, je discute, je tweete #AFS13

Nous voici au premier jour du congrès de l'afs, qui est le rassemblement probablement le plus important, avec l'aislf, de sociologues français et/ou francophones. Tout le monde arrive petit à petit, puis cours derrière son programme, sa chambre d'hotel, ses tickets de bus, etc. Les participants sont gentiment accueillis, ils savent ce qu'ils doivent chercher et demander, les personnes chargées de l'organisation du congrès savent ce qu'elles doivent indiquer et répondre. Les informations techniques et d'organisations sont-elles les seules informations à devoir circuler de façon globale (entendu ici transversalement aux RT et GT et réseaux personnels) dans ce type de congrès ? Qu'en dit-on sur twitter ? Une telle question peut paraître étrange, et a priori, même, on s'en moque. Pourtant elle permet de faire le point sur une suite de pratiques propres, dans une certaine mesure, au monde scientifique et qui me semblent tout à fait intéressantes à observer et réfléchir.

twitter comme plateforme de médiation scientifique ?

Qu'en dit twitter, donc ? Et, bien sur, pourquoi twitter ? Sur ce site, on échange de très courts messages (140 caractères max.), on y suit, entre autres choses, des listes thématiques générées par l'indexation intentionnelle des messages par leurs auteurs. Les messages se voient attribuer des mots-clés, des hashtags, qui prennent la forme d'un mot précédé d'un dièse (comme #sociologie, par exemple). L'importance des hashtags indexant les messages est aisée à concevoir lorsque l'on remet en contexte le fait d'envoyer un message sur twitter : des millions de messages vont être envoyés dans l'heure qui suit, aussi, il faut bien pouvoir trier et distinguer notre message de tous les autres.

L'idée que l'on puisse commenter et échanger des messages autour d'un congrès n'est pas dénuée d'intérêt. En effet, déjà, certains des participants ont depuis des années déjà une pratique de blogging scientifique, soit qu'ils travaille sur des plateformes institutionnelles comme hypothèses.org ou feue culturevisuelle.org pour celles que je connais le mieux, soit qu'ils tiennent leur blog de façon indépendante (soit, assez souvent, les deux...),. Souvent, ces personnes possèdent aussi un compte sur la plateforme de micro-blogging et de réseautage twitter.com, et y évoquent entre autres choses très variées certaines des sessions auxquelles ils assistent lorsqu'ils se rendent à un congrès, comme il le font sur leur blog par ailleurs (ici l'ex. de P. Mercklé à grenoble en 2011) : ils en font le commentaire, ils ajoutent des liens concernant l'intervention qu'ils sont en train de suivre, forment ainsi une sorte de bibliographie parallèle, il en restranscrivent les contenus (#scriptodiffusion, ils se font les Léon Zitrone de la session en quelque sorte), comme s'ils partageaient leurs prises de notes, mais en live, on appelle cette pratique un live-tweet, un LT. D'autres, tout simplement, utilisent twitter pour savoir ce qu'il se passe dans une session à laquelle ils n'ont pas pu assister, qu'ils le fassent durant la session même, ou bien juste après, pour rattraper, et comptent donc sur le fait que les premiers auront bien partagé leurs notes ou leurs remarques.

Sur quoi je me base pour évaluer ces pratiques ? Simplement sur les archives qui ont été constituées lors du congrès #afs2011 à grenoble, et celles consituées à partir du Crossroad in cultural Studies à paris en 2012, et des différentes éditions de l'ASA (american sociology association) pour laquelle l'usage de twitter a été pensé (non sans hoquets) depuis 3 ou 4 éditions déjà (le sujet est bien discuté sur le blog cyborgology). Ce que l'on y observe, c'est que lorsque twitter est intégré explicitement au congrès, il est plus utilisé par les personnes y assistant, non seulement pour livetweeter mais aussi pour régler des questions toutes pratiques, ou simplement suivre un mode d'emploi du congrès qui se déploit au fur et à mesure de son déroulement. Je précise au passage, que l'ASA avait créé cette année une application pour téléphones mobiles, incluant un tas d'informations très variées dont le flux twitter, et s'était vu équipée d'une charte d'usage de twitter (je ne la retrouve pas, mais il est un peu tard, on verra demain...).

Choisir un #, et puis un autre...

Alors, que lit-on sur twitter concernant notre première journée de congrès AFS ? Et bien pas grand chose, et ce qui s'y lit, qui est intéressant en soi, pourrait être valorisé bien largement.

Le premier problème, c'est que le mot-clé qui désigne le congrès de l'AFS 2013 n'est toujours pas encore défini clairement alors que la séance plénière d'introduction a déjà eu lieu, et que les sessions des RT commencent. Faut-il indexer ses tweets avec #AFS, #afs2013 ou #afs13 ? On n'en sait rien, et personne ne s'autorise à prendre la décision seul-e. Du coup, certains tentent leur chance sur l'un des deux, d'autres utilisent les deux au risque de devoir encore plus contraindre la longueur de leurs messages. Quelqu'un va peut-être devoir forcer l'usage de l'un ou l'autre, et ce sera du à la légitimité et la publicité de cette personne que se mesurera l'efficacité du choix du hashtag (plutôt qu'à un choix raisonné et peut-être plus fin). Le problème s'étend aussi à la méthode avec laquelle on pourrait parler spécifiquement de la séance d'un RT dans une session ou bien d'une session dans un RT. aussi, à l'heure où je parle, personne ne parle d'aucune séance de RT avec une codification précise : le numéro de la session et le numéro de la salle #S1s327 pour la session n° 1 dans la salle 327, ou bien #S1RT37 (à vous de deviner l'obscure signification... Moi je penche pour cette solution-ci) ?

Tous ces choix auraient pu être opérés et réfléchis en amont, par l'organisation du congrès, notamment le hashtag général du congrès devant être "réservé" ou "occupé" afin d'éviter qu'il ne soit partagé par deux événements se croisant (on avait vu le crossroad in cultural studies changer de nom la veille de son ouverture car il avait choisi un hashtag utilisé par un festival de rock chrétien aux USA les mêmes jours). Ces choix auraient été publiés en une ou dix lignes sur la même page que les codes wifi par exemple, et auraient pu figurer sur les affiches et le documents de communication du congrès. Rien de vital, rien d'exceptionnel, rien qui ne coute un centime, mais un outil qui peut être efficace mis à disposition des participants.

Archiver les tweets...

Le deuxième problème qui se pose aujourd'hui, c'est le fait que les services d'archivages disponibles en ligne ne sont pas de première qualité. L'archivage est important, à la fois pour revenir sur un congrès auquel on a assisté, que pour s'en faire une idée précisément parce que l'on y a pas assisté. Et twitter ne donne pas accès aux tweets très longtemps, posant un certain nombre de problème en terme de propriété des données qui y sont échangées (si je ne peux relire un tweet que j'ai écris 3 mois après, est-ce encore mon tweet, toute une affaire de "digital labor"). On dispose soit de services d'éditorialisation de type 'storify.com', soit de services d'archivage de type 'tweetdoc.com'. Pour l'éditorialisation à la storify (dont le principe est intéressant mais le site est une véritable infection en pratique) : un service en ligne qui permet d'associer des données provenant de différents types de sites, du coup, on peut éditorialiser un document à partir de tweets de vidéos youtube, de liens vers des articles en pdf, etc. Pour l'archivage, un service de listing des tweets autour d'un unique hashtag (#afs13, par exemple), qui éditent ces derniers sous la forme d'un pdf dans l'ordre chronologique ou rétro-chronologique. Il faudrait simplement un petit serveur et quelques scripts (j'utilise 140dev.com d'habitude... mais il en existe bien d'autre, sous R notamment). Je pensais le faire moi-même, mon serveur vient de planter, je n'ai pas le temps de le retaper, donc alea jacta est, si quelqu'un-e se dévoue, ce sera toujours plus pratique pour générer des archives adaptées aux besoins des participants...

Dans les exemples francophones déjà observés, les LiveTweets complets sont réservés à certains RT. De mémoire, ces RT 'augmentés' en rapport avec les technologies et les médias et les TIC, ceux en rapports avec la santé, les enjeux de dominations ou les cultures 'minoritaires' ou les rapports de pouvoir, et ainsi de suite. Bref, à vue de nez, ils sont plus fréquents dès lors que les thèmes des RT ont à voir avec les outils de communication ou avec des personnes plus enclines à utiliser des sites de blogging et micro-blogging. Toutefois, archiver l'ensemble des séances et communications qui sont, par hasard, scripto-diffusées ou évoquées sur twitter peut avoir un intérêt. Ainsi il est possible de revenir sur les sessions de #AFS2011 par exemple en cliquant sur le lien (que je ne retrouve pas, et ça me surprend puisque j'avais moi-même fait les archives en compagnie de @cultord). Lors de #ASA2012 et #ASA2013, des personnes se sont proposées pour livetweeter chacune des séances, elles avaient une sorte de responsabilité éditoriale, en plus des présidents de séances et des grands témoins. C'est un travail qui peut être réalisé par des étudiants dans le cadre de leur cursus ou par des volontaires, peu importe, c'est un travail d'éditorialisation particulièrement riche s'il est un peu encadré et que le flux twitter relatif au congrès peut être tissé avec d'autres références en ligne et hors-ligne, notamment les plateformes d'archivage et de publication ouvertes de type HAL ou SSRN. de plus, ce qu'indique ce travail de modération et d'accompagnement des livetweets dans ASA, c'est que les contenus peuvent être discutés et modérés tellement ils sont nombreux et conséquents.

réseautage et rencontres...

Mais le LT n'est pas le seul intérêt à l'usage de twitter, le site de micro-blogging permet aussi de "faire du réseau", c'est-à-dire de contacter des personnes sans forcément avoir accès à leur adresse email (qui, si on y réfléchit bien n'est pas toujours évidente à obtenir/trouver sans croiser la personne elle-même) ni pouvoir aisément les croiser dans un couloir (parce qu'elles sont super entourées, ou bien qu'elles évitent la foule, parce qu'on est timide ou pressé, etc.). S'il était facile de se croiser entre scientifiques ou écrivains à une époque pas si lointaine ou "tout le monde" travaillait dans le 5ème ou le 6ème arrondissement de Paris, il suffisait alors d'aller prendre un café au bon endroit, il faut aujourd'hui penser que les congrès et les réseaux sociaux sont des lieux de réseautage (je n'apprends rien à personne, je fais juste un rappel :-) ) et permettent de rencontrer des gens et parfois de travailler avec eux peu de temps après. Twitter est un outil relativement adapté pour échanger des ontenus, des références biblio ou des contacts... Il permet d'installer un délai aux rencontres rendues possibles par le fait de se trouver dans la même ville entre collègues, et d'éviter d'avoir passé autant de temps dans les mêmes bâtiments sans parfois réussir à se croiser (ce qui arrive systématiquement pour moi). Bref, cet usage de twitter, de ma propre expérience n'a pas réduit les échanges en face à face, bien au contraire, il a permis de structurer et concentrer suffisamment mes activités durant les congrès pour canaliser et optimiser la majorité de mes échanges en face à face (et de rencontrer la totalité de mes co-auteurs et collègues de travail depuis 3 ans maintenant). Si twitter n'est pas vital pour des vieux briscards, il peut être riche en opportunités pour de jeunes étudiants ou chercheurs (paradoxalement, les vieux briscards américains ont un usage assez important de twitter, je pense à Barry Wellman & co notamment, qui sont peut-être plus pragmatique sur ce que signifie réseauter...).

À l'heure où j'écris cette phrase, je vois que mon voisin dans le RT où je me suis rendu, voisin dont j'ignore l'identité (son nom est invisible sur son badge), est en train de lire sur l'écran de son ordinateur les tweets que j'ai envoyés il y a une heure... Structurer et simplifier les usages, et limiter l'organisation improvisée en intégrant le service de micro-blogging au sein même du congrès permet d'assurer et épauler à moindre frais l'objectif de réseautage que doit remplir le congrès. La prise de contact en ligne ne se fait pas d'un coup d'un seul, elle est progressive, le plus souvent, elle permet déjà de reconnaître l'existence des travaux de quelqu'un (une synthèse lors d'un livetweet de RT, un article en openaccess cité dans un tweet par un collègue, etc.), ensuite de comprendre avec qui cette personne échange, de la situer dans le champ, ensuite d'avoir rapidement accès à des papiers qu'elle aurait elle-même cités et de pouvoir rapidement en parler (oui, le soir des congrès, certaines personnes lisent le travail de leurs collègues...), etc.

twitter comme lieu de médiation (polyglotte, transdisciplinaire...)

Enfin, le dernier point essentiel sur l'investissement un peu plus soutenu d'outils tels que twitter lorsque l'on est organisateur ou participant à un congrès comme celui de l'AFS, reste que les tweets sont des formes textuelles courtes, et qu'il est assez facile de les "passer" dans un traducteur automatique qui permet tout simplement de rendre lisible à des non-francophones les recherches présentées au congrès dans leur ensemble. Cette idée semble une peu naïve au premier abord, mais penser la communication d'un événement francophone auprès du monde anglophone n'est peut-être pas si stupide que cela. Clairement, aucun chercheur français ne s'intéresse à ce qu'il se dit lors des énormes congrès de l'ASA sans avoir soit une activité de chercheur dans un champ dominé par la recherche anglophone (les réseaux sociaux et le RT 26 de l'afs par exemple), soit un compte twitter et suivre "naturellement", tout les mois d'août, les discussions très nombreuses autour des séances du congrès ASA. Il me semble que des congrès comme ceux de l'aislf et de l'afs sont des congrès qui n'ont pas une grande résonnance dans le monde anglophone, sous prétexte qu'ils sont spécifiquement francophone. C'est une logique par défaut, personne n'en a l'intention, mais qui est une limite absurde à la diffusion de ce qu'il se dit d'intéressant lors des séances. Les livetweets pourraient être un moyen à moindre frais de valoriser le travail des chercheurs francophones. Évidemment, il ne s'agit pas d'une publication, il s'agit de cumuler les échanges individuels et personnels, entre chaque participants à un congrès de l'afs dont le compte twitter est suivi par des internautes anglophones (c'est-à-dire probablement la totalité des participants ayant un compte twitter). Ce ne serait pas une traduction institutionnelle, officielle, "représentant" le congrès, ou bien je ne sais quelle institution encore, mais simplement un service rendu à chaque fois, localement entre un tweet qui a paru interessant aux yeux d'une personne non-francophone et qui l'a copié dans un moteur de traduction. Rien de plus, mais c'est comme cela que l'on peut compléter des bibliographies, etc. En plus des non-francophones qui ne viendraient pas spontanément suivre ou demander des renseignements sur le contenus d'un congrès francophone, on peut biens entendu imaginer que d'autres professions pour qui le déplacement au congrès de sociologie est un coût trop élevé, pourrait s'y intéresser par le biais de twitter (auquel les 2 tiers d'entre eux seraient abonnés en France, parait-il...).

Enfin, voilà, ce sont quelques suggestions qui peuvent servir pour demain mardi, ou pour une prochaine édition du congrès...

PS : je ne fais aucun commentaires sur la possibilité toute relative d'accéder au wifi selon les salles/amphis (des hubs avec des cables, ça marche aussi). Je ne fais aucun commentaire sur l'absence de bloc-notes papier dans les packs 'congrès', je constate juste que live-tweeter permettra de rentabiliser ce genre d'économies ;-)


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